l'histoire n'a conservé que très peu de ces harnois simples fonctionnels et nombreux qui équipaient la petite et moyenne chevalerie. La notion de patrimoine élargie aux objets les plus usuels n'étant que très récente ils ont pour la plupart été recyclées au fil du temps, le matériau valant à ces époques parfois plus cher que l'objet démodé.
Pour un homme de 1.65m environ le poids moyen de ces armures complètes de bataille au XVème siècle avoisinait le plus souvent 25 Kg, équivalant donc au poids d'une maille complète.
Certaines armures plus tardives se situaient même plutôt entre 15 et 18 kg ce qui est peu, même en considérant qu'à cette époque l'armure ne se portait plus que partiellement, les plus complètes s'arrêtant aux genoux. Quant aux armures industrielles plus tardives dites de munition de qualité très médiocre, on ne se situe plus alors qu'entre 10 et 15 kg.
De même, pour en revenir au XVème siècle et au harnois complet, les armures de
tournois qu'il ne faut pas confondre avec
les armures de joute pouvaient être également très légères, le reste de l'équipement de prestige, cimiers, lambrequins et cottes armoriées se chargeant de les encombrer déjà suffisamment.
Seules donc les armures de joutes vers la fin du XVème siècle, quelques rares armures de siège à l’épaisse cuirasse ou quelques armures de parades richement décorées au XVI ème siècle (pour la plupart jamais portées) ont pu atteindre des poids considérables de l’ordre de 50 à 80 voire même 90 Kg et ce sont justement celles qui ont été les mieux conservées.
On ne peut donc juger raisonnablement de l'efficacité tactique des armures sur la base des modèles conservés en plus grand nombre et surtout les plus lourds mais sans aucune réelle utilité militaire.
A poids égal, l'armure est moins pesante que la broigne ou la cotte de maille complète qui l'ont précédée. En effet, l'armure est pratiquement auto portée, les pièces rivetées entre elles répartissent le poids uniformément, alors que la quasi totalité du poids de la broigne de maille repose sur les épaules du combattant. Le faible gain de mobilité avec la maille est largement contrebalancé par le surcroît d'effort nécessaire au mouvement.
L'utilité, la mobilité, l'efficacité et les inconvénients présupposés.
L'armure et en général l'équipement militaire a toujours été très coûteux. Dès l'origine seuls les chefs ou les personnages importants pouvaient s'offrir des protections ou des armes efficaces. La troupe était équipée de façon hétéroclite et le plus souvent au hasard des combats, pillages et prises sur l'ennemi, exception faite pour les armées romaines des périodes précédentes. L'organisation de l'empire et l'impôt au service d'une volonté hégémonique permettant l'entretien de corps d'armée homogènes et disciplinés.
Avec le harnois devenu complet vers la fin du moyen âge le principe restait le même, ce qui implique que l'armure n'était portée que par les combattants les plus fortunés. Ce signe extérieur de richesse assurait par ailleurs en soi une garantie de sauvegarde.
L'image du chevalier empêtré dans son armure et n'attendant plus que le coup de miséricorde inséré dans une jointure de sa carapace est presque toujours erronée, la rançon que l'on peut espérer d'un prisonnier se jauge à l'aune de son équipement. On n'égorge pas quelqu'un dont on peut tirer un bon profit, les exceptions frappant l'imagination et nourrissant les fantasmes ont souvent tenu lieu de généralité...
Le chevalier immobilisé au sol relève de la même fantaisie, la parfaite mobilité et le poids relativement modeste des armures de bataille du XVème siècle permettait toute sorte d'acrobatie, y compris et surtout de monter seul sur son cheval ou avec la seule aidé légère de l'écuyer qui tenait celui-ci par la bride. Même si elle y participe certainement, ce n'est pas vraiment l'amure qui immobilise le chevalier mais l'éventuelle blessure ou l'enchevêtrement des corps et des chevaux dans la mêlée.
L'armure symbole de l'esprit chevaleresque...
Paradoxalement l'évolution de l'armure coïncide avec le déclin de la chevalerie, tout au moins de l'éthique qui la sous-tendait depuis l'origine.
Née de la noblesse guerrière vouée en principe à défendre la veuve et l'orphelin, soutenue par l'église qui lui confère sa dignité et ses sacrements avec l'idée de se constituer un bras armé dans une incessante rivalité ambiguë, la trop fameuse alliance du sabre et du goupillon, la chevalerie s'est embourgeoisée au fil du temps.
Le seigneur établi et conforté dans son pouvoir, bien à l'abri derrière ses remparts, bardé de fer dans son armure dont la valeur lui garantit bien souvent la survie en cas de défaite se trouve de moins en moins exposé personnellement. Les tactiques de combat évoluant, la lourde charge héroïque à la lance dont l'issue était à la mesure du risque encouru s'est démodée, on est passé de la témérité et de la bravoure à une organisation plus rationnelle où le panache se cherchait plus dans le paraître que dans la geste.
Plus le combattant était riche et puissant plus son armure était belle et moins il était enclin à s'exposer aux hasard de batailles.
Les plus hardis ont toujours été ceux qui n'avaient rien à perdre et tout à gagner, les plus impécunieux ou les cadets en quête de fortune ont souvent pu exercer leur bravoure pour s'attirer les faveurs de leur suzerain ou pour se tailler une place au soleil à la force du poignet. La qualité de leurs armures a donc suivi l'évolution de leur carrière mais pour ceux qui ont survécu et réussi, il arrive toujours un temps où il devient difficile de remettre sa position en jeu sans une impérieuse nécessité...
Selon son rang et sa richesse, le chevalier guerroyait de plus en plus souvent par procuration et l'évolution de l'artillerie a grandement participé à le dissuader de s'exposer. C'est au moment où l'armure atteint sa perfection qu'elle a cessé d'être efficace et que son utilité s'est reportée d'avantage vers la représentation et le paraître.
L'histoire revue sous l'angle sociétal remet parfois en cause les axiomes assénés dans nos anciens manuels scolaires apologistes de la geste héroïque et patriotique.
On constatera qu'aujourd'hui encore et de toute éternité c'est le civil qui fait le plus souvent les frais de la guerre, tandis que le risque des militaires est calculé aussi chichement que les moyens de leur protection sont toujours plus développés. Les hommages grandiloquents aux très rares victimes du rang et les défilés fanfaronesques sont parfois à la mesure des exactions perpétrées par un corps qui s'enorgueillit souvent d'un passé prétendu glorieux auquel il n'a qu'un très hypothétique et lointain rapport.
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Les différents types d'armures
Il existe une grande variété d'armures et on peut les classer de plusieurs manières en différentes catégories qui se croisent parfois. On s'en tiendra à l'armure de plate au moment où elle devient complète.
Les protections corporelles qui se sont développées au cours de l'histoire pour garantir le combattant se sont très vite diversifiées avec l'évolution des techniques et des modes.
Le coût prohibitif des pièces les plus performantes et prestigieuses fit que l'armure devint un marqueur social de richesse et de puissance ainsi que l'apanage d'une élite qui s'en est arrogé l'exclusivité par une demande toujours plus extravagante. Le fait militaire primant sur l'économie, les artistes armuriers de ce temps ont su répondre à cette attente.
Dans le même temps la fonction de l'armure évoluait, en perdant de son efficacité face aux armes et techniques militaires, pour être confortée dans sa fonction nobiliaire de représentation.
Les armures complètes ont été conçues pour la protection du chevalier dans son activité de guerre et à l'origine ces équipement de batailles ont également servi à l'identique pour les autres activités de jeux, joutes et tournois, issus d'un temps où certains différents se réglaient par le fer en rencontres organisées.
Des pièces rapportées pour l'occasion transformaient l'armure de bataille en armure de joute ou de tournoi dans une économie relative. Mais l'engouement pour ces loisirs bien moins risqués que la bataille rangée, le développement des techniques et les pièces d'ajout devenant toujours plus élaborée les armuriers en sont venus à développer des modèles d'armures spécifiques.
Les principales modifications ont porté essentiellement sur le haut de l'armure dont la partie gauche s'est renforcée d'un manteau d'arme couvrant l'épaule et rejoignant la pièce haute protégeant l'avant du casque. Tout cela s'est fait en suivant des modes qui se propageaient selon les circonstances dans toute l'Europe occidentale.
Les loisirs et jeux guerriers tenant lieu de défouloir à une noblesse fougueuse et turbulente se sont également codifiés et structurés en grandes manifestations de prestiges où le rang social pouvait s'exprimer en débauches de protocoles fastueux et prouesses en public bien moins risquées que lors d'une bataille à l'issue incertaine.
L'armure a accompagné cette évolution des mœurs et on peut dès lors la distinguer entre deux fonctions principales, la guerre et le loisir, auxquelles on peut rajouter le prestige pour certains modèles arborant le faste et l'autorité par excès de décor.
les armures pour la guerre
Puisque c'est sa fonction première c'est naturellement dans cette catégorie que l'on trouve la plus grande variété de modèles et la plus grande diversité d'adaptations aux usages et aux modes.
Paradoxalement bien qu'elles furent les plus nombreuses, ce sont celles qui sont actuellement les plus rares, en particulier pour les plus anciennes.
L'histoire et le patrimoine n'ayant conservé au fil du temps que les modèles les plus riches, la plupart des armures ordinaires des premiers temps de leur apparition ont disparu à l'exception de quelques rares exemplaires souvents reconstitiés et dits "composites" car constitués de pièces éparses retrouvées disséminées et ré assemblées par tri de cohérence et datation.
On peut juger en partie de la qualité d'une armure dans le fait qu'elle ne s'oxyde pas facilement. Même les plus belles pièces ont été corrodées si elles ont été enfouies, mais dans des conditions de conservation normales, on constate que le beau travail des meilleurs batteurs d'armures a écroui le métal pour le rendre plus dur et plus dense le rendant du même coup moins sensible à l'oxydation naturelle.
Les armures de la cavalerie lourde :
Ce sont celles qui viennent immédiatement à l'esprit quand on évoque le sujet, chargées de tous les symboles et idées préconçues, elles encombrent l'imaginaire d'un passé mythique.
Issues de l'évolution de la broigne d'écailles et de maille petit à petit renforcée de plates, elles sont vraiment complètes à compter de la fin du XIVème pour atteindre leur plein essor dans la première moitié du XVème siècle.
Elles constituaient la force de pénétration des lignes adverses dans les charges de cavalerie, mais l'évolution des armes et tactiques de bataille progressant plus vite que l'organisation, quelques célèbres désastres ont conduit à plus de rationalité.
Ce type d'armure équipe d'abord la chevalerie traditionnelle puis, après 1445 et la réorganisation sous Charles VII, les compagnies d'ordonnance et de gendarmerie. Ces corps montures comprises sont entièrement bardées de fer, mais malgré l'idée générale largement galvaudée, l'ensemble de l'équipement reste d'un poids très modéré. L'armure complète de bataille n'excède pas la petite trentaine de kilos maximum et souvent moins.
La base de l'unité tactique était la lance composée selon la richesse du chevalier bachelier d'un nombre variable de suivants puis ensuite selon la norme imposée par les ordonnances de 6 à 8 hommes parmi lesquels un page et par la suite aussi un valet d'arme qui ne combattaient pas.
Le sergent d'arme qui conduisait la lance était armé à ses frais et n'était pas obligatoirement noble pour peu qu'il eût les moyens de son équipement. En revanche des nobles désargentés pouvaient être relégués à des fonctions moins honorables comme celle d'archer.
Charles VII ayant institué l'armée de métier et codifié les usages par ordonnances, il fallut équiper tout ce beau monde quand bien même le coût en restait à la charge du sergent d'arme. Le banneret s'équipant lui et sa troupe selon ses moyens à fait place au sergent d'arme tenu à un minimum obligatoire.
Tout ce qui se développe se démocratise et se diversifie, l'armure n'échappe pas à la règle économique. La fabrication en grand nombre induit une baisse de qualité pour le commun et en contrepartie un développement vers l'excellence pour l'élite.
Sans perdre totalement sa prépondérance, la cavalerie lourde a dû céder du terrain à d'autres formes plus adaptées aux armes nouvelles.
Les armures de reîtres :
Ce corps originaire d'Allemagne au XVème siècle a servi tant la France que l'Espagne qui ont loué ces compagnies principalement pour les guerres de religion. Leurs armures de piètre qualité pour la plupart étaient noircies de peinture pour économiser le polissage au vif et en simplifier l'entretien. Celles qui étaient de qualité supérieure étaient noircies à chaud.
Le casque était la bourguignotte, simple à garde joues ou complète avec la visagière. Le cuissot à l'écrevisse se portait soit à mi cuisse soit jusqu'au genoux, les bas de jambes étaient bottés de cuir. Les brassards n'étaient pas toujours complets et les modèles s'arrêtant au dessus du coude étaient dits à moignons. L'armure de reître casque compris n'excédait pas la douzaine de kilos...
Appelés diables noirs, barbouillés, chaffourés, noirs harnais ou cottes noires, les reîtres se démarquaient par ces armures noires à bandes blanches. Il se dit qu'ils se noircissaient également le visage afin d'inspirer plus de terreur.
Ces bandes noires étaient appelés également pistoliers ou diables empistolés en raison du pistolet à rouet dont ils étaient équipés. La tactique consistait en charges de cavalerie successives qui se rabattaient à l'arrière du rang après le tir afin de recharger pour recommencer, cette manoeuvre s'appelle le limaçon ou le carocel.
Le bataille d'Auneau en 1587 marquera la fin de ce corps dont les casques et les armures serviront à combler les fossés du château ce qui constituera par la suite une "mine de fer" pour l'industrie agricole locale...
Les armures des chevaux légers et arquebusiers:
En dehors de l'indispensable cuirasse et du casque (
morion ou
cabasset) , la cavalerie légère tels que les dragons ne portait pas d'armure, à l'exception des chevaux légers et de certains arquebusiers qui portaient la "demi armure" improprement nommée puisqu'il n'y manquait que les grèves de bas de jambe et les solerets.
Ce sont quasiment les mêmes modèles d'armure que celles qui équipaient les reîtres, mais en acier poli et de qualité un peu supérieure. Cette cavalerie était donc bien plus légère en équipement et armement que la grosse cavalerie des chevaliers et gendarmes.
Leurs chevaux également étaient plus légers et le tout moins coûteux à l'entretien ce qui explique que leur nombre s'est très vite accru, d'autant plus que les armes traditionnelles et honorables de la chevalerie lourde commençaient à passer de mode. La lance s'est faite plus légère et maniable et les armes à feu de poing se sont très vite développées.
Une mode est apparue vers 1570 avec le port de la mandille par dessus l'armure. C'est une sorte de dalmatique à manche que l'on portait en l'attachant sur les épaules mais sous les spallières et dont les manches restaient flottantes.
Les armures savoyardes :
Très semblables aux précédentes mais d'une qualité variable de finition souvent plus sommaire bien que l'ensemble reste très harmonieux.
Elles sont surtout caractéristiques par leur casque typique, hybride entre l'armet et la bourguignotte, tirant tantôt plus vers l'un et tantôt vers plus l'autre mais dans les deux cas dits " à la savoyarde ", dessinant un visage et souvent pourvu d'une visière.
Les armures des cuirassiers et lanciers
Apparu au milieu du XVIème siècle, ces corps devait remplacer à meilleur compte la cavalerie lourde tombée en désuétude et dont les effectifs se sont amenuisés. Ils portent l'armure dite de munition fabriquée industriellement et de qualité médiocre. Ce modèle à l'écrevisse qui s'arrête à mi-jambe genoux compris ne dépasse pas la quinzaine de kilos et pour compenser sa faiblesse le renfort de plastron forme une double cuirasse d'ou le nom de corasse ou corassier qui apparaîtra au XVIIème siècle.
Certains modèles souvent décorés pouvaient malgré tout être de belle qualité et atteindre la trentaine de kilos, mais ces armures étaient donc réservées à l'élite et sont à classer dans la catégorie armure de commandement.
Les armures de guerre ont donc suivi l'évolution des pratiques et d'autres subdivisions sont à remarquer: Contrairement aux idées reçues, il faut préciser que
la guerre au moyen âge et même par la suite était surtout une affaire de poliorcétique. En effet si l'on considère l'ensemble des affrontements il y eut relativement peu de batailles rangées où le sort des armes était très aléatoire contrairement à l'établissement d'un siège que l'on pouvait interrompre si le hasard tournait en défaveur.
Le plus fort de l'activité de guerre étant concentrée dans une stratégie de sièges les armures s'y sont aussi adaptées avec les techniques et les armes, de même que évoluant vers sa fonction nobiliaire de représentation deux subdivisions peuvent être retenues pour clore la partie armures de guerre.
Elles apparaissent tardivement et principalement avec le développement de l'artillerie qui provoquera celui des défenses et notamment des tranchées. Les armes à feu de poing devenant performantes il devint nécessaire de renforcer les cuirasses.
L'armure de siège n'est donc par nécessité qu'une partie d'armure. Par ailleurs leur usage coïncide avec l'évolution de la mode qui voit disparaître le bas des armures pour n'en conserver que les tassettes en cuissots dont certains modèles dits "à l'écrevisse" pouvaient descendre jusqu'aux genoux.
Cette mode s'étendra à pratiquement toutes les armures, les trumelières et solerets seront petit à petit remplacées par les grandes bottes sans toutefois disparaître totalement, particulièrement sur les armures objets d'art ou de prestige qui n'étaient plus destinées à être portées.
L'armure de siège se caractérise donc surtout par une surépaisseur des parties les plus exposée de façon à mettre relativement à l'abri de tireurs embusqués les commandants de places qui inspectaient leurs ouvrages de siège et les guetteurs.
Il faut aussi considérer que les solerets ne sont pas très adaptés pour la marche à pied, à fortiori pour crapahuter dans les tranchées où la recherche de mobilité a été décisive. Le haut devenant plus épais donc plus lourd, il fallait aussi récupérer du poids là où la protection n'était plus utile.
En un certain sens, l'armure de siège pourrait s'apparenter à l'armure de joute pour ce qui concerne la répartition des poids et défenses sur l'avant et le haut, mais elle lui diffère totalement sur la question de la mobilité.
Il faut préciser quand même que ces armures de sièges n'étaient pas véritablement une catégorie en soi, très peu avaient les moyens de s'offrir le luxe d'une armure spécifique et le plus souvent se contentaient-ils d'adapter celle dont ils disposaient par l'adjonction de pièces de renfort particulièrement sur la cuirasse à l'instar des armures des cuirassiers.
Pour le gros des troupes, ceux qui étaient équipées d'amures se contentaient le plus souvent de la cuirasse et du casque, parfois complétés de spallières et cuissots, et également mais plus rarement des brassards.
Paradoxalement, c'est aussi l'époque où ces pièces étaient fabriquées en grand nombre de manière industrielle, la qualité et l'épaisseur du métal n'était pas toujours au rendez-vous et il pouvait arriver que ces cuirasses s'avèrent plus encombrantes que véritablement efficaces, au point que certains préféraient parfois s'en départir.
- les armures de commandement
Sans être véritablement une catégorie à part, on peut classer ici toutes les armures fonctionnelles qui sortent de l'ordinaire. Chaque type d'armure déjà cité a connu des versions " de luxe " ou tout au moins de qualité supérieure qui ont donc droit à être considérées à part.
Les grands seigneurs et chefs de guerre, capitaines et connétables, et bien évidemment les princes et les rois ont eu besoin de se distinguer sur le champ de bataille ou lors des manifestations de leur puissance, lors de parades militaires, revue de troupes, défilés, entrées de ville et cortèges en majesté etc.
C'est "le prestige de l'uniforme" avant la lettre et même si ces armures n'ont plus de fonction de combat à proprement parler elles restent le symbole du commandement dans la continuité de la geste héroïque dont elles sont issues. "Suivez mon panache blanc" aurait dit quelqu'un...
La pureté des lignes et la qualité des armures lombardes du XVème siècle a entraîné la mode vers la concurrence, les armures gothiques ont de peu précédé les maximilliennes et le processus ne s'est arrêté qu'avec l'épuisement du sujet au XVIIème siècle. Par extention, on peut donc aussi classer dans cette catégorie les armures objet d'art qui en sont l'aboutissement et l'apothéose.
Même lorsque des armures n'ont été commandées et réalisées que pour le prestige de la collection de pièce rares et exceptionnelles, elles restent attachées au pouvoir et donc au commandement. Parmi ces armures objets d'art, certains aboutissements artistiques et techniques méritent d'être mentionnés:
les armures maximiliennes, à costume et à décor
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les armures pour le jeu
Même si toutes les armures reflètent la marque du pouvoir militaire, certaines sont résolument orientées vers le loisir et les jeux guerriers.
Ces armures ne peuvent en aucun cas être pensées en situation véritablement de bataille, pas même de commandement dans une chevauchée ou un défilé hormis lors de festivités afférentes au tournoi. Dans cette catégorie on placera donc uniquement les modèles spécifiques que l'on peut diviser en 2 groupes très distincts: les armures de tournois pour les épreuves collectives comme le béhourd et les armures de joutes.
Comparaison n'est pas raison mais en considérant l'adaptation d'un objet usuel vers une pratique ludique, l'exemple de la voiture semble se prêter à la cause. Les premières courses automobiles ont vu concourir des véhicules standard, mais très vite l'usage a induit la nécessité de développement spécifiques.
De même qu'on imagine mal une formule 1 dans la rue, l'armure de joute ou de tournoi n'est absolument plus adaptée pour la bataille, elle y serait mal commode et particulièrement vulnérable.
Cette rubrique ne traite que des armures, mais une page particulière sur les
tournois et joutes est disponible pour en rappeler l'historique et les différentes pratiques.
Heaume de tournoi.
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Le tournoi comprend l'ensemble des épreuves martiales et jeux de guerre, mais sans précision particulière, par tournoi on entend principalement le tournoiement des chevaliers, le pas d'arme et le béhourd. Pour cette pratique il faut pouvoir manoeuvrer sur la durée dans le meilleur confort de vision et de mobilité avec un maximum de prestige dans le costume.
La targe complète également cet équipement et lui est souvent indissociable car certains modèles correspondent exactement à l´armure avec laquelle ils font corps. Fixé parfois directement sur l´armure ce petit bouclier très spécifique également a connu une infinité de variété et de modèles, citons en particulier la targe dite futée qui s´éclatait en huit morceaux lorsqu´elle était correctement frappée de la lance.
La joute a été l'épreuve la plus prisée des tournois de chevalerie car elle permettait l'affrontement individuel et donc de sortir du lot pour se faire remarquer. Un moyen de se faire une place dans la société pour les plus adroits.
Bien que de nombreux modèles de casques ont pu être adaptés tels que la salade avec son gorgerin ou l´armet complété de la pièce haute, le fameux heaume dit crapaud reste le plus emblématique de cette pratique avec sa forme et ses lignes fuyantes assurant une bonne sécurité contre la pénétration de la lance.
A l´instar de l´armure de tournoi, l'armure de joute s´agrémentait de tous les ornements susceptibles d´honorer le chevalier qui arborait ses armes le plus ostensiblement qu´il lui soit possible. Cimiers et lambrequins, Caparaçons armoriés, l´équipement de joute à la base déjà peu manoeuvrant aurait été ainsi encore bien moins compatible que celui de tournoi pour livrer une vrai bataille.
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L'évolution des armures
Parallèlement à la diversification des armures selon leur utilité, la recherche de pièces toujours plus luxueuses s'est développée à mesure que les artisans devenaient plus habiles, jusqu'à en faire des oeuvres d'art.
Les modes ont accompagné la technicité des artistes, à commencer par la recherche de l'imitation au plus près du costume civil avec ses formes et ses plis. Par la suite on a aussi cherché à reproduire l'aspect du décor des tissus puis le décor à thème a pris le dessus pour s'exprimer dans toutes les extravagances d'inspiration animalières ou mythologiques.
Ainsi le soleret par exemple est passé par toutes les tendances et lorsque le soulier civil s'est allongé de poulaines démesurées, la mode s'est portée à l'identique sur les armures dans la même période.
Un paragraphe spécial est consacré au
soleret dans la section des pièces d'armures.
Les armures dites maximiliennes
- La niellure se rapproche un peu du damasquinage puisqu´il s´agit de l´incrustation à chaud de petits filets d´émail noir. Cet émail était fait de galène, sulfure naturel de plomb. Des imitations du niellé furent utilisées par émaillage à froid en noir, rouge ou blanc.
- La dorure de très belles pièces pouvait être réalisée par le procédé classique à la feuille, ou au pinceau à l´or moulu. Si certaines armures étaient ainsi plaquées or, certaines on été réalisées en argent massif.
- Le repoussé consistait à obtenir le motif en relief par martelage, à la différence de la ciselure.
Le maniérisme italien à la française, l'école de Fontainebleau.
Le décor prend nettement le pas sur l'objet lui même jusqu'à la saturation, l'armure n'est plus que le support chargé et surchargé de toute la symbolique et le mysticisme dont les artistes ont pu faire preuve. Mars et la guerre font partie de cette accumulation de symboles et d'allégories, de même que toute sorte de fauves et d'animaux fabuleux.
Dans les ateliers de Milan, d'Augsbourg, d'Anvers ou Paris on transcende par l'habileté de la main les hauts faits de l'antiquité, la guerre de Troie, les travaux d'hercule, l'épopée d'Alexandre sont autant de sujets destinés conférer au commanditaire de l'oeuvre un statut de demi Dieu.
Ces armures sont bien évidemment à l'exclusivité des monarques les plus en vue mais tous n'en auront pas la jouissance, certaines esquissées ne seront jamais réalisées, quand à d'autres si elles n'ont pour ainsi dire jamais été portées, elles ont en revanche beaucoup voyagé à l'exemple de l'ensemble équestre réalisé pour EriK XIV de Suède, Capturées par les danois durant le transport, rachetée plus tard par l'électeur de Saxe, saisie par les russes au musée de Dresde en 1945 qui ne la récupérera qu'en 1958... Ces armures nont plus besoin d'être portées pour connaître l'aventure...
Le plus surprenant est que la plupart de ces artistes et particulièrement ceux de Fontainebleau sont restés anonymes, pas même un poinçon ne les distingue, à moins que parmi cet enchevètrements de symbole ils n'y aient subrepticement celé quelque message subliminal personnel que nous ne saurions plus transcrire...
Quelques détails sur les décors
Toutes les techniques les plus avancées ont été employées, et même mélangées au gré de l'inspiration ou du talent, mais l'organisation du décor est agencée selon des règles à l'instar des décors architecturaux des palais de l'époque.
- Le candélabre consiste en un agencement vertical pour constituer des lignes de séparation du décor ou pour souligner et accompagner la ligne d'une courbe ou d'une pièce, par exemple les bandes vericales d'une cuirasse, partant des épaules et du devant pour se resserer à la taille, ou bien accompagner la continuité d'un motif sur la longueur des cuissots à l'écrevisse ou de la ligne des brassards.
Ces agencements s'agrémentent de toute sorte de motifs, parfois disposée de manière symétriques où feuilles, fruits et créatures s'y entremêlent en guirlandes.
- Le cartouche est un médaillon rond, ovale ou d'une forme géométrique qui s'insère dans le décor, bordé d'ornementation et dans lequel s'inscrit une scène constituée de personnages ou de paysages. C'est le lieu privillégié des allégories et l'endroit où le thème général de l'armure s'inscrit en tableaux successifs.
- Le cuir est un motif géométrique d'ornementation qui encadre le cartouche et représente très souvent l'enroulement stylisé d'un parchemin.
- Le grotesque est un style d'ornement typique de la Renaissance, faisant allusion aux décors mis à jour à la " Domus aurea " (palais impérial de Néron) couverte de motifs étranges souvent grimaçants qui inpirèrent également Rabelais. Des animaux de toute sorte y sont représentés, inscectes, serpents, masques et entrelacs, le plus souvent symétriquement disposés.
- Les rinceaux peuplés sont constitués de décors en arabesques végétales entremêlant fleurs, feuilles et fruits et peuplées de personnages, de putti, d'animaux, de figures allégoriques et créatures fantastiques. Le rinceau n'est pas un entrelac.
- Le terme de rinceau est l'extrémité d'une arabesque végétale constituant le rinceau peuplé, décorée d'un personnage qui en sort en tronc, comme si l'arabesque en constituait la queue.
Tous ces agencements sont répartis en utilisant au mieux tout l'espace disponible sur chaque élémment de l'armure jusqu'à la saturation comme si le décor à profusion était l'énnemi du vide.
Les bardes équestres offrant plus de place, c'est naturellement l'emplacement privillégié pour les motifs importants, La cuirasse ensuite et bien évidemment le casque a été l'objet d'attention toute particulière puisqu'il coiffe l'ensemble.
Malgré tout, et comme s'il manquait encore de la place on a très souvent rajouté une rondache qui offrait de par sa forme et sa surface des possibilités supplémentaires d'expession artistiques. C'est là peut être la source du quiproquo concernant l'adjonction pléonastique d'un bouclier sur une armure. Ces armures constituant chacune en soi une alégorie, il n'y faut chercher aucune utilité militaire fonctionnelle et surtout pas la justification au merchandising mercantile des boutiques à touristes qui affublent leurs grotesques armures de boucliers ineptes.
Un fait reste à souligner avant de clore le chapitre; Tous ces décors sont d'inspiration profanes, historiques et mythologiques, seules de très rares et très discrètes allusions aux références chrétiennes sont parfois décelables parmi l'enchevêtrement profus. Cela peut paraître étonnant dans un monde aussi accaparé par le sujet, mais c'est peut être une manière d'affirmer une filiation indépendante et complémentaire avec un au delà qui rejoint le monde du mystère d'où le pouvoir leur incombe naturellement.
Il y aurait encore beaucoup à dire et à extrapoler sur le sujet des armures, de leur histoire, de leur utilité et de leurs décors, mais mon propos n'était que de défricher quelque peu un terrain mal entretenu et trop souvent parcourru par des margoulins.
Je vous invite à faire seuls la suite du chemin avec les bons auteurs et en visitant les bons musées et collections, attention toutefois, il n'est pas rare de voir des petits châteaux de nouveaux riches se targuer du fait qu'ils ont le contenant, de la véracité d'un contenu parfois plus que douteux...
l'armure et la part du rêve...
Dans l'imaginaire collectif l'armure se rapporte à des valeurs reconnues telles que la chevalerie, l'honneur, la noblesse, l'histoire, le patrimoine, le prestige etc.
Pour valoriser un produit la publicité utilise souvent l'armure pour conforter une idée induite telle que robustesse ou protection jointe aux valeurs sus nommées mais parfois aussi en retournant l'argument pour sa connotation passéiste, ringarde et démodée.
Cependant l'armure conserve sa valeur positive car chargée d'un imaginaire puissant. C'est donc par excellence un objet communicant de premier choix qui ouvre sur l'imaginaire et qui nous offre la part du rêve.
Il était donc normal et prévisible que le mercantilisme s'y précipitât pour en user jusqu'à la corde et bien au delà. Puisque ça plait aux masses on leur en fourgue sans s'embarrasser d'une quelconque historicité facilement contournée par simple prétention commerciale, la cible est docile.
La ferraille n'implique pas qu'une armure soit historiquement crédible, très loin s’en faut.
De même qu'il est difficile sans apprentissage de distinguer le bon cru millésimé de la piquette outrageusement frelatée, en matière d'armure le touriste commun se contente souvent de quelques idées reçues façonnées et polies depuis des lustres...
Ces préjugés autorisent hélas toutes sortes de propositions fantaisistes que l’on trouve à profusion dans les boutiques "pièges à gogos" qui s'approvisionnent toutes aux mêmes sources d'importation de pays souvent esclavagistes. Ces bibeloteries de gugusses fleurissent principalement sur les sites touristiques où ce commerce d'exploitation de la beaufitude est très bien rôdé.
Des impudents sans vergogne poussent le vice jusqu'à présenter des armures en tôle emboutie dites de templier... Ces tristes ersatz sont si grossièrement clinquants qu'ils ne trônent plus que chez ceux qui ne méritent pas mieux.
Petite précision sur les armures dites de templiers...
L'ordre des templiers a été supprimé environ 50 ans avant que n'apparaisse la première armure complète... Cherchez l'erreur !...
Après les templiers... les marchands du temple...
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Mais l'inculture et le mercantilisme font bon ménage en pays touristique où d'une simple croix rouge ou dorée on rebâptise "templier" à peu près nimporte quoi...
Certains belîtres outrecuidants n'hésitent donc pas à affubler des armures d’inspiration vaguement XVème à XVIème siècle, de heaumes de type XIIIème siècle. Mais qu’est-ce que 200 ans pour des ignares...
Malgré la prétention sans vergogne des marchands ces armures n'ont évidemment absolument rien d'historique, pas même le matériau très pompeusement baptisé acier et souvent même précisé de Tolède comme si c'était le gage d'une quelconque qualité autrefois apportée par les Perses mais totalement oubliée et dépassée depuis fort longtemps...
Le plus souvent sur ces modèles à touristes la cubitière ne permet qu'une amplitude de mobilité très limitée tout juste nécessaire pour disposer les mains sur la garde d'une épée devant la braguette, pour ne parler que de la mobilité des bras. Voilà encore qui accrédite les idées reçues en confortant la théorie du chevalier crétin qui s'enferme dans son armure pour s'y laisser bêtement égorger sans pouvoir bouger...
Évidemment il est aisé de prétendre que pour la "décoration" cela importe peu si l'on fait abstraction de toute la tangibilité historique et pour peu que l'on considère ces tristes et grossières imitations comme décoratives. Mais le mauvais goût est l’affaire de chacun et les commerçant peu scrupuleux, incultes et avides ont de bonnes raisons de surfer sur cette vague très porteuse, la bêtise se vend bien plus facilement quand on la propage.
Quiconque aura visité un musée d’armures authentiques se sera rendu compte qu’il est très rare voire exceptionnel de voir présenter une armure affublée d’une arme. Pour comble de beaufitude on atteint le paroxysme du ridicule avec l’adjonction d’un bouclier que l’on pourrait qualifier de pléonasme, l’armure tenant lieu de bouclier total. La seule exception sera pour la targe de joute équipant des armures dédiées à ce « sport » historique ainsi que pour la rondache qui parfois complétera des parures très décorées au XVI ème et dans certains cas seulement.
Jamais une armure honnête ne se verra flanquée d'un bouclier de bataille et encore moins du grand écu templier. Il suffira alors de compléter le tout d'une hallebarde pour se vautrer dans le plus parfait mauvais goût, dans l'anachronisme ridicule et dans l'imposture à l’histoire.
Nul ne peut tout savoir mais personne n'est obligé de se complaire dans l'ignorance et pire encore, tirer profit de celle d'autrui est une indignité. La connaissance est source de plaisirs qui s'épanouissent à être partagés sans modération.
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" Une armure quand on en a pris l’habitude devient aussi confortable qu’une robe de chambre. "
Paul Claudel
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